À 70 ans, je dois bien admettre que j’ai très longtemps cru que, lorsqu’il était question d’accumulation, qu’on parlait uniquement des objets matériels.
La première fois que j’ai observé le phénomène, il s’agissait d’un ami qui accumulait des sacs à dos qu’il remplissait à rebord de linge usagé qu’il récupérait pour presque rien soit dans des marchés aux puces, soit en fouillant dans les bacs de recyclage. Ici, je ne parle pas de seulement 20 ou 30 sacs, mais de centaines de sacs qu’il empilait dans toutes les pièces de la maison. Tellement, qu’il fallait se frayer un chemin entre les sacs, les deux cents statuettes, les centaines de bouquets desséchés et un nombre incalculable de boites d’objets divers, pour circuler.
Un jour, une femme âgée que je connaissais bien m’avait invité à prendre un café sur son balcon. Une heure plus tard, en allant à la toilette, j’ai pu observer le même phénomène, elle accumulait les tasses dépareillées. Partout dans la maison, en plus des tasses qu’elle se procurait dans les magasins à 1$, étaient empilés des dizaines et des dizaines de bacs de plastic remplis de tasses, certaines à l’effigie de bar, de restaurant, d’aéroport. Lorsque je lui ai demandé la raison, elle a dit qu’elle n’était pas une amasseuse compulsive mais une collectionneuse. J’avais failli la croire, mais j’ai compris l’étendu de son problème lorsque j’ai jeté un oeil dans sa chambre par la porte entrouverte. Des centaines de sacs d’épicerie débordant de vêtements s’entassaient, ne lui laissant qu’un étroit espace pour dormir. Je n’ai rien dit, j’étais impuissant.
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Un article que j’avais lu sur le sujet expliquait que l’accumulation était une compensation visant à rétablir une sorte d’équilibre suite à un manque. Par exemple : quelqu’un qui a souffert de la faim longtemps dans son enfance, aura facilement tendance à avoir un garde-manger bien rempli lorsqu’il sera plus vieux; quelqu’un qui a souffert d’une grande pauvreté aura des chances d’être habité par le réflex de gagner de l’argent, sans jamais pouvoir se dire qu’un jour c’est assez.
Tranquillement, mon esprit s’est ouvert à l’idée que l’accumulation, quelle qu’elle soit, cache un manque. Surtout lorsqu’il n’y a pas de réponse cohérente à la question du pourquoi.
Très récemment, lorsque l’état de santé de ma mère nous a contraint mes frères, mes soeurs et moi, à la placer dans une résidence pour personnes âgées, il a fallu vider le petit appartement de deux pièces dans lequel elle vivait seule depuis une dizaine d’années. Le choc ! Même si une fois par semaine, une de mes soeurs allait faire du ménage du réfrigérateur de ma mère et que chaque fois, elle devait mettre à la poubelle des dizaines de biscuits au soda, des carrés de beurre, des contenants de confiture, des desserts, des tranches de pain, des verres de lait jamais terminés. L’air de rien, elle accumulait de tout. Il y avait en elle quelque chose qui la poussait à reproduire son habitude, même elle savait que ce n’était pas la bonne chose à faire.
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Certain que je n’avais pas hérité de son trait de caractère, j’ai d’abord demandé à mon épouse de valider ma déduction, puis j’ai posé une constellation familiale sur le sujet. Oh surprise ! Alors que certains accumulent les objets, les échecs amoureux, les agressions ou les voyages, j’ai compris que j’accumulais les diplômes et les expériences de travail.
Grâce au merveilleux travail des représentants, je me suis souvenu qu’à l’école, je posais toujours des questions. J'étais celui qui posait toujours des questions et qui faisait des blagues maladroites. Au travail, je remettais sans cesse en question la compétence de mes supérieurs. En amitié, j’étais toujours celui qui savait tout et qui prenait toutes les responsabilités.
En y regardant de près, j’ai compris jusqu’à quel point mon besoin d’être vu, entendu et reconnu était presque maladif. J’ai compris pourquoi je n’allais jamais assisté à des spectacles ou à des matchs sportifs, simplement parce que j’allais passer inaperçu et anonyme, et que les yeux allaient se tourner vers une autre personne que moi. Soit je marche en avant de la parade, soit je n’y suis pas. Être au centre est quelque chose d’impensable. Alors si je ne peux pas être devant, je trainerai derrière en feintant les échecs répétés, comme ça, encore une fois, je serai vu.
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En fouillant encore plus loin à l’intérieur de moi et en posant les bonnes questions aux bonnes personnes, je suis revenu au moment de ma naissance. Mes parents espéraient et attendaient une fille, je devais m’appeler Monique, tout était prêt. Sauf que je suis arrivé garçon. Le nouveau-né que j'étais, a intégré qu'il allait devoir se battre pour se faire une place.
Devant l'évidence d'un postpartum, même si à l'époque le mot n'existait pas, à bout de ressources, parfois, ma mère me laissait seul durant de longues heures pour aller marcher. Dans les jours qui ont suivi, mes parents m'ont confié à la garde de mes grands-parents maternels. Rapidement, ils m'ont placé chez une tante. Lorsqu'ils ont eu l'idée de me reprendre, donc de m'arracher aux personnes qui m'offraient ce dont j'avais besoin, je marchais. Bien sûr, je me suis senti abandonné encore et encore. En réaction, pour arrêter de souffrir, inconsciemment, j’ai tout fait pour être vu, entendu et reconnu.
Et comme ça n’a pas fonctionné au sein de ma famille, j’ai tendu mes tentacules dans toutes les autres sphères de ma vie. Lorsque je me suis acheté un canot et que j’ai joint un club, je devais être devant. Lorsque je me suis mis aux arts martiaux, je devais être le grand maître. Lorsque je me suis mis à la théologie, je devais être le pasteur. Lorsque je me suis mis à écrire des fables, je devais être plus grand que LaFontaine. Je pourrais multiplier les exemples de ce genre, soit je suis devant, sois je n’y suis pas.
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À 70 ans, je comprends très bien que j’ai pu déranger de nombreuses personnes qui portaient le même genre de blessure.
Sans le vouloir, juste à faire ce qu’il fallait pour prendre une place suffisamment importante pour être vu, entendu et reconnu, certaines personnes ont pu se sentir moins vu, entendu et reconnu. Sans que ce soit mon intention, j’ai probablement fait de l’ombre à des personnes qui comme moi, avaient besoin de lumière. Pas étonnant que ces personnes réagissent à partir de leurs propres blessures.
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En conclusion, je dirai que la vie n’est pas mêlée et que mon chemin pour accepter de l'entendre et de l'intégrer a été long et difficile.
Grâce aux constellations familiales, là où je suis rendu, je renonce à attendre que la reconnaissance vienne des autres. Je m’accueille dans mes forces et mes limites. Je reconnais l’étendue de ma blessure originale et l'impact que ça a eu sur ma vie et celles des autres. Je laisse aux autres le soin de soigner leurs blessures. Je prends ma place, même si je risque d’être moins vu, entendu et reconnu. Finalement, je prends pleine responsabilité de mon destin, c’est le mien.
Pierre Simard ©
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Terminé d’écrire le 24 octobre 2023.
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Pierre Simard
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